Nouvelle prochainement éditée chez Ska Editions à l'hiver 2015.
Extrait
Je venais de parcourir Londres, Tokyo, New-York, Moscou, Reykjavik, Pékin avec ma vieille Mercédès, quand elle me planta net, au bord du ravin sur la route entre Ampus et Les Salles sur Verdon. C’était bien ma veine. La nuit tombait, aucune habitation à la ronde et mon téléphone portable dernière génération qui ne captait rien. Le coin était magnifique, certes, mais je me serai bien passée de devoir marcher des heures dans ce désert de verdure aux bruits étranges. Dormir dans la voiture était une alternative au problème. Avec la faim qui me tiraillait le ventre, aucune des deux options (de base, non fournies dans ce modèle de Mercédès là) ne tenaient la route. Même si, moi, j’étais bien dessus, seule, comme une pov’conne, à me demander si j’allais pourrir dans ma caisse ou sur le bitume. Je choisis la seconde solution, ne supportant pas l’inaction face à une situation difficile. C’est ainsi, que, vêtue de mes tongs de vacancière, je me mis en chemin pour demander de l’aide. N’ayant pas croisé de maison depuis 5 kms, je décidais d’aller de l’avant, puisque c’est toujours ainsi qu’il faut faire tant il est difficile d’aller de l’arrière. Sauf peut-être en train, d’où l’arrière train. Mais je m’égare en chemin. Revenons à ma route, noire ou presque, nichée en lacets entrelacés dans ces montagnes hostiles du Haut-Var où des bruits étranges me font frissonner comme une feuille en automne, car comme chacun sait, toutes les feuilles frissonnent en automne et non pas à l’époque où nous chanterons le temps des cerises. Des cerises ! J’avais une faim de loup. J’espérais, néanmoins (ce qui rend la respiration difficile) que les loups n’aient pas faim. Prendre mes jambes à mon cou n’était pas dans mes habitudes. Je préfère, et de loin, les pendre au cou d’un autre. Mais la situation ne s’y prêtait guère, je n’avais d’ailleurs, sous la main, personne à qui la rendre. J’avançais donc, le regard fixe, le dos courbé, les mains croisées, triste et le jour pour moi sera comme la nuit… Merci Victor mais on ne t’a pas demandé de la ramener ! Toujours à faire le malin celui-là. Dire que ça fait des siècles que ça dure ! Je poursuivais mon chemin, disais-je, lorsque j’aperçus, au loin, de la lumière. C’était au fond d’une espèce de champ, une sorte de hangar d’où semblait sortir de la musique. A moins qu’il ne s’agisse d’éclats de voix. Le vent qui ne venait pas de se coucher mais de se lever, alors que ce n’était ni le lieu, ni le moment, trompait mon ouïe que j’avais pourtant fine. La preuve, je suis fan de Didier Barbelivien. Je me dirigeais vers la lumière, prudemment, dans ce noir d’une nuit de pleine lune, la peur au ventre de rencontrer une bête plus grosse que moi. Je pris un chemin sur la gauche qui semblait mener au hangar. Je ne vis pas, à l’entrée de celui-ci les fils électriques destinés à éloigner les animaux sauvages ou autre curieux malintentionné. Bien sûr, je buttai contre eux, reçu une décharge, me débattit pour enfin m’emmêler les jambes dans ceux-ci, hurlant et gesticulant tant que je le pouvais. Cette pantomime eut pour effet de réveiller une meute de chiens qui dévala vers moi en aboyant méchamment. J’allais finir en steak tartare au pays de l’olive et de la lavande. Ce qui est, notez-le, totalement déplacé. Heureusement, mes cris furent également perçus par des homo sapiens dont deux spécimens du sexe masculin me firent la courtoisie de leur visite. Peu rassurée par leur mine patibulaire, je fis contre mauvaise fortune, bon cœur et accepta, la main que l’un d’entre eux me tendait. Il était court sur pattes qu’il avait grosses et imberbes, le visage rond sur lequel deux yeux de fouine et une bouche sans lèvre faisaient mauvaise figure. Sa voix douce contrastait avec cet aspect peu engageant qui, de toute façon, ne m’engageait à rien d’autre qu’à me dégager dans leur abri. Vue ma position, j’eus été bien impolie de refuser. C’est ainsi qu’ils me transportèrent vers le hangar que j’avais aperçu au loin. Comme je l’avais entendu, des décibels de musique en sortaient. Des éclats de voix également. Visiblement la fête battait son plein. Vidée, j’étais battue d’avance. Face à ce mobil-home posé dans ce hangar, au milieu des outils, des chiens, des tracteurs et des encombrants, je vivais un grand moment de solitude. Et j’étais bien la seule.
La suite... bientôt chez Ska Editions
Elodie TORRENTE
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Jean-Charles007 (samedi, 27 juin 2009 08:53)
Drôle, rigolo, sexy et coquin, mais quelle chute !!!
Une verve indiscutable, un savoir raconté qui nous emmène d'un bout à l'autre avec plaisir.
cedric (mardi, 26 avril 2011 15:09)
pas mal! mais quelle bagnole ta merco!
olivier (dimanche, 15 mai 2011 15:32)
salut il y a un moment que je ne t'avais lu :o)
toujours la même verve et le même talent narrateur . bises
Elodie TORRENTE (lundi, 16 mai 2011 09:42)
Merci Olivier pour ce passage, cette lecture et ce commentaire... A bientôt de te lire.
helene vallas (dimanche, 21 août 2011 21:41)
Bravo pour la chute