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Typiquement douteux

Épisode 5 sur 6

En effet, la question de l’hypocondrie de Charles n’effleura qu’un instant l’esprit de la praticienne. Lorsqu’il apporta ses résultats, il était encore plus mal en point. Comme le docteur Mauchartin le constata, ses chevilles avaient enflé, d’autres rougeurs étaient apparues sur ses tibias et celle observée lors de la première consultation avait augmenté au lieu de disparaître. Le médecin repensa à la réflexion de Mercier. Pour un hypocondriaque, c’était un peu fort, tout de même…Et si la pathologie avait élu domicile dans ce grand corps avant le départ en Inde ? Cette histoire de rougeurs au tibia semblait l’indiquer en tout cas. Et puis cette toux qui ne disparaissait pas. La tuberculose ?, se demanda le médecin. Une maladie infectieuse ?, puisqu’il avait effectué plusieurs séjours en Asie ces dernières années. Le doute demeurait et pour être sûre de ne passer à côté d’aucune pathologie grave, le jeune médecin prescrivit une radio des poumons, un autre prélèvement sanguin et une IDR. Toujours fiévreux et taciturne, Charles repartit avec sa prescription, claudiquant et toussant de plus en plus.

 

Trois jours s’écoulèrent entre certificats médicaux pour tout et n’importe quoi, annonce de pathologie grave très avancée et mortelle (elle avait détesté informer cette jeune femme de 25 ans de la présence de métastases envahissant son jeune utérus), grippes et bronchites invalidantes, appels de laboratoires et gestion administrative du cabinet lorsque Bruno Charles reparut avec ses énièmes résultats d’examens. L’IDR positive à 5 mm attesta l’absence de la tuberculose. En revanche, la calcémie corrigée à 3.05 mmol/l indiquait un taux de calcium élevé. Quant à la radio pulmonaire, elle montrait des infiltrats diffus. Face à ces résultats, la jeune praticienne se mit à réfléchir. Et si c’était une sarcoïdose ? Il en avait tous les symptômes en tout cas. Dans le doute, elle contacta le Docteur Marie Chemin, collègue interniste. Marie, à l’écoute du résumé des symptômes et des résultats radiologiques, cutanés et sanguins confirma la suspicion de sarcoïdose. Une hospitalisation était recommandée pour s’en assurer. C’est dans ces conditions que Bruno Charles fut admis dans le service de Marie Chemin pour la ponction biopsie d’un ganglion au niveau de l’aisselle droite. L’analyse anatomopath mit en évidence un granulome épithélioïde sans nécrose caséeuse. On lui prescrivit, dès lors, un traitement par corticoïdes. Lorsque Muriel reçut l’appel de sa collègue pour lui confirmer diagnostic et traitements, elle ne put s’empêcher de sourire, malgré la gravité de la pathologie. Mercier voyait en Charles un hypocondriaque alors qu’il souffrait d’une sarcoïdose. Il était peut-être temps pour le vieux médecin de prendre sa retraite d’un cabinet où, dans la force des habitudes, s’était diluée l’impartialité d’un diagnostic. Soulagée d’avoir trouvé la cause de la maladie de Charles, Mauchartin reprit la valse des consultations, le cœur plus léger. L’issue aurait pu être désastreuse.

 

C’est dans cet état d’esprit qu’en fin de journée, elle reçut l’appel de Mercier toujours en Afrique du Sud, coincé dans ce pays par l’état de sa femme qui empirait. Il n’avait pas le cœur à rire, Mercier et son enthousiasme du départ avait disparu au profit d’une morosité que Muriel ne lui connaissait pas. Sa maison lui manquait et les jeux télévisés, aussi. Dans l’état d’abattement où elle le sentait, elle n’eut pas le courage de lui annoncer que Charles ne souffrait pas d’hypocondrie mais d’une sarcoïdose. Muriel Mauchartin n’était pas du genre à abattre les personnes déjà à terre. Lorsqu’elle raccrocha, elle vit s’éloigner son rêve de prochaines vacances au soleil. Mercier ne serait pas de retour avant deux semaines au moins. A ce rythme-là, les patients finiraient par penser qu’elle était dorénavant le médecin attitré du 6 rue des Alouettes. Comme chaque soir depuis des semaines, elle quitta le cabinet à 21 heures.

 

Cependant, lorsque le lendemain, Bruno Charles arriva en urgence accompagné de sa mère, elle douta de la seule existence d’une sarcoïdose. Depuis l’instauration du traitement, le patient était devenu méconnaissable…

 

Élodie TORRENTE

 

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Commentaires: 5
  • #1

    Lila (mercredi, 05 février 2014 18:38)

    Heureusement qu'il n'y a plus qu'un seul épisode. Car l'impatientite nous guette. Une maladie grave, à coup sûr ! ;)

  • #2

    Sam (mercredi, 05 février 2014 19:03)

    Je suis tranquillement installé dans la salle d'attente du cabinet
    médical et j'attends avec impatience la suite des événements .
    Que nous réserve Elodie ?

  • #3

    marie-alix (mercredi, 05 février 2014 19:31)

    Vite, vite, l'épisode 6 Elodie ! Sinon, je vais faire un malaise

  • #4

    Elisa (lundi, 10 février 2014 09:03)

    La

  • #5

    Elisa (lundi, 10 février 2014 09:05)

    Ma tension est à son comble. Vite docteur !