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Un cas à part

Épisode 4 sur 6

         Le lendemain matin et les jours suivants, Muriel Mauchartin affronta les trente-deux patients quotidiens inscrits dans l’agenda du docteur Mercier. Elle parvint, comme elle se l’était promis, à les recevoir vingt minutes en consultation et bien qu’elle rentrât, épuisée, chaque soir vers 21 heures, elle s’habitua rapidement au rythme infernal et aux besoins médicaux et pharmacologiques de ceux qui la sollicitaient. Le vendredi de la seconde semaine, elle reçut, en fin de journée et comme à son habitude, Bruno Charles, dont la maladie semblait avoir empiré lors de son séjour en Inde. Il se présenta à 19h45, alors qu’elle allait fermer la salle d’attente. A la vue de son regard fiévreux, de son port avachi qui diminuait sa haute taille d’au moins cinq centimètres, elle prit le temps de rouvrir son dossier afin de consulter ses antécédents. Mercier lui avait signalé que ce patient était très certainement hypocondriaque. Si tel était le cas, l’homme assis en face d’elle, le front brûlant, les paupières mi-closes se plaignant de fatigue intense, de douleurs à la cheville et aux épaules, jouait bien la comédie ! Elle ne trouva rien dans le dossier de vraiment significatif et fit installer le malade sur la table d’examen. Après lui avoir pris la tension, ausculté le cœur, les poumons, tâté les épaules et examiné les chevilles, le jeune médecin posa les questions d’usage. Depuis quand était-il parti d’Inde ? S’était-il cogné là-bas au niveau des épaules ou de la cheville ? Avait-il été piqué par des insectes ? Parce que Bruno Charles avait séjourné plus de douze jours en Inde, qu’il n’avait reçu aucun mauvais coup, et qu’il n’était pas certain pour les piqûres, Muriel lui prescrivit un bilan sanguin, en urgence. Elle lui recommanda de se faire prélever dès le lendemain afin de débuter les traitements le plus rapidement possible en cas d’infection. Monsieur Charles repartit avec sa fièvre et une ordonnance comportant des sigles et mots barbares. À travers ces NFS, CRP, Iono, BHC, Sérologie hépatite A et goutte épaisse, le médecin voulait s’assurer de l’absence d’une grave maladie infectieuse. Les probabilités d’un paludisme ou d’une hépatite A, pathologies fréquentes dans ces pays-là, étaient trop fortes pour s’abstenir d’une recherche approfondie. Trente minutes après le départ de ce dernier patient, elle s’apprêtait à rentrer chez elle quand le téléphone sonna. L’idée lui traversa l’esprit de ne pas décrocher. 21 heures, ce n’était plus l’heure d’appeler un cabinet médical ! Ce ne fut qu’une idée. Elle décrocha, lasse mais résignée :

  • Docteur Mauchartin, j’écoute.
  • Bonsoir, Docteur. C’est Mercier. Vous allez bien ? Tout se passe comme vous voulez au cabinet ?
  • Oui, ça va. Comme vous voyez, j’y suis encore. C’est bon signe.
  • Oui et c’est tant mieux ! Parce que justement, j’ai un petit problème.
  • Ah oui ?
  • Oui, rien de grave, ne vous inquiétez pas. C’est simplement que je ne serai pas de retour avant une semaine. Ma femme est tombée malade. Elle va s’en remettre mais, dans son état, pour voyager demain, ça ne va pas être possible. Cela vous pose un problème ?
  • Non, non, pas du tout.
  • Vous êtes merveilleuse ! C'est Charle qui vous oblige à rester au cabinet ? 
  • Non mais en effet, son cas m’interpelle. Il est parti en Inde avec une rhinopharyngite et il est peut-être revenu avec un paludisme ou une Hépatite A.
  • Vous plaisantez ? Le Charles que j’ausculte depuis des années sans rien déceler serait vraiment malade ? Un conseil : attendez les résultats. Vous verrez que ce patient n’est qu’un hypocondriaque. Bon, je vous laisse. Ca coûte une fortune. Et rentrez chez vous, que diable ! Sinon qu’est-ce que ça va être quand vous aurez votre propre cabinet !
  • Quand ce sera le cas, il y aura moins de patients !

Mais Mercier n’entendit pas la dernière réplique, il avait déjà raccroché.

 

Deux jours plus tard, Bruno Charles revint avec les résultats du prélèvement sanguin. Il n’y avait aucune preuve d’un paludisme ou d’une quelconque hépatite A. Mercier avait-il raison ? Etait-il possible que le grand escogriffe qui se tenait face à elle, soit atteint d’hypocondrie au point de provoquer ces symptômes ? La question lui trotta dans la tête. L’espace d’un instant…

 

Élodie TORRENTE

 

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Commentaires: 3
  • #1

    BELLAC (mardi, 28 janvier 2014 13:43)

    Epatant Elodie! Ça fonctionne parfaitement! Suspens et tout! Super! Bisous à tout de suite!

  • #2

    lau (mardi, 28 janvier 2014 14:40)

    episode 5 bientôt... mouais bientôt... pas assez tôt !!! je veux savoir ce qui se passe!!!!!!!
    (bravo c'est excellent)

  • #3

    Lila (mardi, 28 janvier 2014 19:22)

    Qui aurait pu penser qu'un Bruno Charles parviendrait à nous tenir en haleine ? Vite, la suite !